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Baisse du prix des céréales et oléagineux face à l’incertitude géopolitique

Dans la tourmente des annonces du président américain, les marchés céréaliers et oléagineux mondiaux sont entraînés à la baisse depuis deux semaines.

L’incertitude du contexte géopolitique continue de provoquer le trouble sur les marchés agricoles mondiaux, entraînant une chute des cours des matières premières, et reléguant les risques climatiques au second plan.

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La mise en place des droits de douane à l’encontre du Mexique et du Canada est une nouvelle fois repoussée d’un mois. Les opérateurs avaient pourtant anticipé la date du 4 mars en vendant massivement les matières premières, provoquant une chute d’ampleur aux États-Unis comme en Europe. Si les effets d’annonce affectent en priorité les prix des céréales et des oléagineux à l’échelle mondiale, la sortie de l’hiver et le climat incertain sur les différentes productions de la nouvelle récolte ne pourront être mis de côté.

En blé, la géopolitique occulte pour l’instant le risque printanier

La géopolitique prend le pas sur les fondamentaux du marché des grains, reléguant pour l’instant les nombreux risques climatiques au second plan. Le président américain a dans un premier temps instauré des tarifs douaniers à l’encontre du Mexique, du Canada et de la Chine, avant de faire volte-face pour les deux premiers cités. La Chine a quant à elle répliqué en taxant les céréales américaines. Autant d’incertitudes commerciales qui ont mis sous pression l’ensemble du complexe céréalier.

La baisse des prix européens a de plus été accentuée par le rebond de la parité eurodollar à plus de 1,08, soit une hausse de plus de 4 % sur la semaine. Il faut dire que les plans d’investissement européens et allemands pour redynamiser le secteur de la défense apportent un élan d’optimisme à l’économie européenne. Dans ce contexte, la baisse du prix du blé en euros est plus marquée qu’en dollars, afin que le blé français reste compétitif à l’export. Il cède ainsi -3 €/t supplémentaires cette semaine, à 214 €/t rendu Rouen. Il faut désormais remonter au mois de septembre dernier pour retrouver des prix durablement sous ce seuil.

Ce repli fait du blé français l’un des blés les moins chers du monde, à parité avec le blé américain. Ce gain de compétitivité devra maintenant se concrétiser par une accélération des exportations vers pays tiers. Le Maroc est récemment revenu aux achats, mais son attention ne semble pas s’être portée sur l’origine française. La céréale australienne fait également office de concurrente. L’office australien Abares révise sa production à 34,1 millions de tonnes, en hausse de 2,2 millions de tonnes par rapport à son estimation de décembre.

Toutefois, les perspectives de production sur la prochaine campagne seront source de tensions à l’approche du weather market printanier. Importateurs comme exportateurs seront suivis de près au cours des prochains mois. À moins d’un mois du début de sa récolte, des températures caniculaires sont attendues en Inde, en pleine période de remplissage des grains. En France, 74 % des blés sont en bon ou excellent état, ce qui n’est que 6 points de plus que l’an passé à date.

L’orge sous la pression du complexe céréalier

L’orge fourragère française ne parvient pas à résister à la pression baissière qui sévit sur l’ensemble du complexe céréalier. La céréale cède en effet 6 €/t sur les 15 derniers jours en tombant à 203 €/t rendu Rouen. Le seuil psychologique des 200 €/t en place depuis le début du mois de décembre reste pour l’instant préservé.

Déjà, il faut souligner que la géopolitique relègue les fondamentaux au second plan. Donald Trump a bien mis à exécution ses menaces tarifaires à l’encontre de la Chine. Cette dernière n’est pas restée les bras croisés : à compter du 10 mars, une taxe de 15 % sera appliquée sur les blés et maïs américains et une taxe de 10 % sur les sorghos. L’incertitude envahit le commerce mondial. Les fonds ont réduit leur exposition au risque en revendant une partie de leur position longue sur les produits agricoles américains, ce qui ne manque pas de pénaliser les cours de notre côté de l’Atlantique.

Pour autant, l’orge française avait réussi à stimuler la demande. Sur le marché intérieur, la consommation fourragère a atteint en janvier son plus haut niveau depuis août 2023. Cet intérêt des fabricants d’aliments du bétail s’est quelque peu estompé depuis, au profit du blé fourrager, plus compétitif. À l’international, ce sont aussi plus de 700 000 tonnes qui ont été chargées à destination du Maghreb et du Moyen-Orient en janvier-février.

De leur côté, les acheteurs chinois restent relativement absents, et même en cas de retour, ils pourraient s’appuyer sur une récolte australienne plus importante que prévu. Abares rehausse son estimation de production d’orges en Australie à 13,3 millions de tonnes, au-dessus des 11,7 millions de tonnes de l’office américain de l’agriculture (USDA). Les opérateurs seront tout de même vigilants quant aux conditions de culture sur l’hémisphère nord.

En France, la part des orges en bon ou excellent état est de 70 %, ce qui est en ligne avec le chiffre de l’an passé. Sur la scène hexagonale, les regards sont aussi tournés sur l’avancée des semis de printemps. En raison d’un temps plus sec, ce sont désormais 65 % des surfaces qui sont emblavées selon Céré’Obs : le retard de l’an passé semble évité. Outre la correction du complexe céréalier, c’est ainsi que le prix de l’orge de printemps récolte 2025 chute cette semaine de 257 à 252 €/t FOB Creil.

Un avenir incertain pour le canola canadien

Les prises de position de Donald Trump sur la mise en place de taxes à l’importation aux États-Unis entraînent une très forte volatilité sur le marché des matières premières. Si le 4 mars devait être la date où les droits de douane devenaient effectifs aux États-Unis, ceux à l’encontre du Mexique et du Canada sont finalement reportés au 2 avril, de quoi apporter un peu d’air aux commodités américaines qui ont lourdement chuté au cours de la semaine.

La graine de colza en France n’est pas épargnée par cette actualité en raison des bouleversements que cela pourrait engendrer sur les échanges. En effet, les États-Unis sont la destination principale pour la graine et l’huile de canola au Canada. La perte de ce débouché pousserait les exportations canadiennes à se rediriger vers d’autres destinations faisant de l’Europe un marché potentiel.

Outre cette actualité créant un climat instable sur les matières premières, l’institut australien Abares a revu en début de semaine en légère hausse son estimation de production de canola pour la récolte 2024. Celle-ci est maintenant évaluée à 5,9 millions de tonnes, contre 5,6 millions de tonnes lors du précédent rapport de décembre. Ces récentes nouvelles poussent donc la graine de colza Fob Moselle à chuter au cours de la semaine de 6 % pour se replier juste au-dessus des 500 €/t sur la récolte 2024. Sur la récolte 2025, la graine de colza baisse de 4 % pour s’établir à 484 €/t.

Seul le marché des huiles permet pour le moment à l’ensemble du complexe de garder la tête hors de l’eau. La baisse saisonnière de production de palme en Malaisie pourrait persister jusqu’au mois d’avril. Ainsi, l’huile de palme à Kuala Lumpur rebondit à plus de 4 700 MYR/t en direction de ses plus hauts de décembre dernier.

Relative résistance des tourteaux face à la récente volatilité des marchés

Sur la scène internationale, les réelles intentions de Donald Trump sur les droits de douane américains continuent de semer le trouble. Les cours de la graine de soja et des tourteaux semblent mieux résister que le complexe céréalier à la Bourse de Chicago. Les prix du tourteau s’y sont maintenu au-dessus des 300 $/st, quand dans le même temps le maïs américain a perdu près de 10 % de sa valeur.

Aux États-Unis, la récente dynamique des exportations se confirme avec 89 % de l’objectif USDA réalisé, contre 86 % en moyenne sur cinq ans. La chute du dollar indice depuis une semaine favorise encore la compétitivité des origines américaines, à l’heure où les tensions avec la Chine pourraient remettre en question les flux vers cette destination. Dans ce contexte, le prix du tourteau de soja à Montoir se stabilise cette semaine à 369 €/t, à proximité de ses plus bas de campagne.

Les disponibilités confortables sur le papier à l’échelle mondiale restent tributaires des conditions climatiques en Argentine. Les annonces géopolitiques seront également à suivre dans les prochaines semaines, et notamment la guerre commerciale entamée entre les États-Unis et la Chine.

(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.

À suivre : Report des droits de douane contre le Canada et le Mexique des États-Unis au 2 avril ; Suivi des ventes à l’export hebdomadaires aux États-Unis ; Évolution de la parité eurodollar ; Baisse des prix du pétrole sous les 68 $/baril WTI ; Publication du rapport mensuel USDA le 11 mars ; Évolution des conditions de culture de blé dans l’hémisphère nord ; Débouchés du blé français sur la scène internationale ; Avancée des récoltes de soja au Brésil et début en Argentine ; Avancée des semis et évolution des conditions de culture de maïs au Brésil.

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